Si la littérature devient passion, c’est bien que tout est dans les livres !

L'île des oubliés ⇜ Victoria Hislop

Sorti en poche en 2013. 520 pages. Premier roman. L’auteure est jeune et britannique.

Désolée. Voilà un livre qui me serait tombé des mains si je n’avais été obligée de lire pour mon club de lecture.

Un premier roman qui s’est vendu à deux millions d’exemplaires et a été traduit dans vingt-cinq pays… Sorti avant les vacances d’été… Encensé par la critique, y compris ‘Lire’ (arggghhh). Alors, même en étant attirée par les premiers romans, comment ne pas aborder un tel livre avec un gros, un très gros a priori ?

Et malheureusement, la lecture ne m’a pas fait changer d’avis : j’aurais pu m’en passer. Vraiment. J’ajoute (un clin d’œil à ma sœurette qui me l’a conseillé, elle adore les best-sellers et est persuadée de m’avoir conseillé le livre du siècle ; là je suis carrément bad je l’adore ma sœurette!) que si j’ai tourné les pages très vite c’est uniquement pour le fermer le plus rapidement possible.

Avantage 1 : ma chronique sera courte et je n’ai pas besoin de la présenter et c’est tant mieux pour tout le monde.

Avantage 2 : ma prochaine lecture sera meilleure.

Le livre est avant tout mal écrit. On dirait du Barbara Cartland mâtiné d’une compile de Nous Deux sans images. C’est vrai qu’on est en Méditerranée pour la romance et en Grèce, le pays du pathos mais quand même… le mélo-mélo c’est par mon truc, surtout quand il ne me touche pas.

Quant à l’histoire, elle est aussi plate que le style. Bon, j’exagère quand même un peu, car la relation historique est juste et la chronologie plutôt bien rendue si j’en crois ce que j’ai lu sur cette île au large de la Crète, Spinalonga. En 1903, cette île, appelée par les Crétois ‘Le village des morts-vivants’, devint la léproserie où furent parqués car considérés comme des pestiférés, des intouchables, tous les lépreux crétois, jusqu’à sa fermeture en 1957 suite à la guérison des lépreux grâce à un nouveau traitement. Je dois dire que j’ai appris pas mal de choses sur la Crète et les Crétois, sur la lèpre et les lépreux. Sur l’exclusion des lépreux aussi, même après leur guérison totale. C’est grâce à ce contexte historique authentique que j’ai résisté, la littérature n’ayant pas été très loquace à ce sujet (probablement trop tabou ?) pourtant digne d’intérêt.

Mais cela ne suffit pas pour faire un bon livre. Non, c’est aussi du côté de l’intrigue que le livre pêche. La trame romanesque est trop mince pour un livre aussi long (il s’étire sur quatre générations) et insuffisamment lacrymogène pour nous tirer une larmichette. Les personnages sont en binaire : des hommes au caractère trempé (on croirait nos Corses !) soit très gentils et franchement sympathiques, soit très mauvais et inspirant le mépris. Et les femmes, toutes très belles, sont elles aussi lumineusement bonnes (Maria) ou perfidement égoïstes (Anna, sa sœur).

Les secrets de famille, pesants, comme tous les secrets de famille qui se respectent, ne manquent pas et l’héroïne, Alexis, aussi belle que ses aïeules, est bien décidée, en se rendant à Spinalonga, à les éclaircir ; mais pour nous qui avons d’entrée tous les éléments pour comprendre grâce au narrateur, ils deviennent très vite des secrets de polichinelle. Aucun suspense donc, des intrigues prévisibles (y compris la décision d’Alexis à la fin). Ce livre est pour moi à classer dans ce qu’on appelle très voire trop gentiment la littérature historico-sentimentale.

En définitive, voilà un livre qu’il faut lire pour ce qu’il vaut : la reconstitution historique et sociale est intéressante. Et pourtant, soyons sincères, même là ça tourne en rond. A chaque fois qu’un nouveau-venu arrive sur l’île, ce sont les mêmes descriptions : les gens qui s’affairent comme dans tous les villages crétois, les rues animées et les maisons coquettes, les boutiques, le cinéma, l’hôpital et son agrandissement, l’autonomie des habitants et leur courage… toutes choses que l’on ne s’attend pas à trouver dans une léproserie, certes, mais quand même, chaque fois, l’auteure en remet une couche alors qu’une seule aurait suffi… Non, vraiment, on est trop dans le mélo-pathos et la surenchère…

En ce qui me concerne il n’est vraiment pas assez costaud en raison de son style et de son intrigue trop faciles. Tout cela dit, si j’ai bien poussé un ouf en le refermant, je ne regrette pas complètement de l’avoir lu pour ce qu’il m’a appris, c’est toujours ça de gagné. Je l’aurais peut-être abandonné si je n’avais pas été tenue de le lire pour le club, mais je ne pense pas que je suivrai cette auteure. Et je regrette le temps passé à écrire ces lignes.

Avec un sujet aussi riche et aussi vaste, il y avait pourtant matière à écrire un bon livre mêlant l’aventure et le drame familial à l’Histoire ; j’y verrais même bien un scénario de film, surtout avec cette fin heureuse (qui ne nous surprend pas plus que le reste). Mais un chef-d’œuvre ne se serait peut-être pas vendu aussi bien. Ah je hais les best-sellers ! Rares sont ceux qui justifient leurs ventes et leur succès (ma dernière exception étant mon dernier coup de cœur absolu de 2014, Le Fils, de Philipp Meyer).

Allez, juste parce que je suis sympa et que je veux faire plaisir, ouvrez bien vos mirettes :

Page 271 : ‘Parfois, quand il plongeait les yeux dans les siens, elle sentait que les poils de sa nuque se dressaient et que ses paumes devenaient moites’. J’entends d’ici chanter les petits zoizeaux…

Page 281 : ‘Tant d’amies d’enfance de Maria avaient été mariées par leur père à un homme qu’elles n’aimaient pas et pour lequel elles devaient apprendre à cultiver des sentiments comme s’il s’était agi de géraniums en pots’. Cet été, juré, je plante des sentiments !

Page 373 : La présence de Manolis l’électrisait : tous ses poils se dressaient, et la moindre parcelle de son corps réclamait ses caresses. Elle ne pouvait pas lutter… (moi non plus… devant tant de mièvrerie j’ai bien failli craquer).

Et cette expression vieillotte et parlée : ‘le vaste monde’, utilisée plusieurs fois comme en page 423 : …Les habitants de Spinalonga avaient toujours le regard tourné vers le vaste monde’. Sûr que comparé à une île, le reste du monde semble vaste !

Franchement, là, ce n’est même plus fleur bleue, c’est totalement plat et dans les moments les plus ‘chauds’ ou dramatiques ça m’a souvent fait rire, jamais pleurer. Et il ne se passe pas grand-chose qui ne soit repris en boucle.

Etc. etc. Continuer serait perdre du temps de ‘bonne’ lecture.

Allez, une petite dernière pour la route, je suis sûre que vous allez aimer :

‘De son côté, le médecin pensait à Maria. Réussirait-il à attendre le mercredi suivant pour la revoir ? Sept jours. Cent soixante-huit heures’. Sic. Là, franchement, le toubib, il sait compter, rien à dire ! Barbara Cartland aurait-elle fait mieux ?

Alors, un petit conseil : amateurs de littérature, passez votre chemin, de toute façon l’auteure n’a pas besoin de vous pour vivre, elle a déjà vendu deux millions d’exemplaires !

Si je devais le noter sur 20, je lui mettrais 8 parce que c’est mon jour de bonté. 12 pour le fond historique et 6 pour l’histoire et le style.

 

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