Aux jeunes poètes
Pour faire un poème,
Pardonnez-moi ce pléonasme
Il suffit de se promener
Quelquefois sans bouger
Regardez dehors et dedans
Avec toutes les cellules
De votre vous
Et voici que vous êtes riche
Mais n’en dites rien à personne
Pour aujourd’hui
Ne faites pas le nouveau-riche
Apprenez les bonnes manières
Car la fortune est peu de chose
À qui ne sait pas s’en servir
Travaillez façonnez polissez assemblez
Tous ces immatériels matériaux
Vous voici fécondés
Maintenant
Que vous avez reçu le monde en vous
Portez le monde qui va naître
Obéissez
Parfois aux lois des autres
Parfois aux vôtres
Parfois encore et surtout
À la Loi
Qui n’est ni des autres ni de vous
Et vous serez aimés
Des mots des sons des rythmes
Qui s’ordonneront pour vous plaire
Soyez triple comme un Dieu
Ou plutôt comme une mère
Et naîtra le poème
Mais j’aurais dû tout simplement vous dire
Copiez copiez
Religieusement
La vérité que vous êtes
Et vous ferez un poème
À condition que vous soyez poète.
Pierre Albert-Birot (poète français (1876/1967). Également sculpteur, peintre, typographe et homme de théâtre. Poème extrait de La lune ou le Livre des poèmes, chez Jean Budry, imprimé par l’auteur en 1924 (et introuvable !).