Gillian McAllister est née et a grandi dans les environs de Birmingham, où elle vit et travaille. Avocate de formation, elle est l’autrice très jeune de huit best sellers encensés par la critique dont Après minuit, son premier roman à paraître en France. Son premier roman, Jusqu’à ce que la vérité nous sépare a été classé parmi les meilleures ventes du Sunday Times dès sa parution.
L’histoire, qui se déroule dans les environs de Liverpool, commence le 29 octobre 2022 à minuit, ce jour où a lieu depuis des décennies le passage de l’heure d’été à l’heure d’hiver. Juste après minuit il est donc – en réalité – une heure du matin et le 30 octobre. Cette heure a beaucoup d’importance dans l’histoire.
Jen attend avec impatience devant la baie vitrée de son salon le retour de son fils Todd, tout juste majeur, qui rentre de sa soirée hebdomadaire avec la permission exceptionnelle d’une heure du matin ! Il est ponctuel et Jen est soulagée. Mais, juste avant de franchir le seuil de la maison, sous les yeux de ses parents horrifiés, il aperçoit la silhouette d’un homme plutôt âgé, le rattrape et le poignarde avec un couteau.
La seule explication qu’il donne à ses parents : “J’étais obligé”.
Après une fin de nuit au commissariat suivie d’une perquisition dans leur maison, le réveil de Jen du “lendemain” matin est sévère : son fils sort de sa chambre les yeux pleins de sommeil et ne comprend rien aux questions qu’elle lui pose sur la nuit précédente. Enervé, Todd conclut lui disant : “C’est demain qu’on gagne une heure. On est vendredi, aujourd’hui”. Et non samedi comme elle le prétend. Pire encore, son mari Kelly est parti travailler sur son chantier en cours.
C’est à partir de là que le cauchemar commence pour Jen et que je suis devenue addicte.
Jen vit très mal ce qu’elle prend pour une plaisanterie, d’autant qu’en ouvrant le calendrier de son portable elle constate la date : vendredi 28 octobre, et qu’il ne reste aucune trace de ce qui s’est passé ni dedans, ni dehors, ni sur ses genoux éraflés par les cailloux alors qu’elle tentait de colmater l’hémorragie du blessé, ni sous ses ongles. Elle finit par croire qu’elle a eu une sorte de crise. Pourtant, au cours de la journée, tout ce qu’elle voit et entend, même à la télévision, a des airs de déjà vu et entendu :
“C’est la deuxième fois que je vis cette journée”, pense-t-elle, déboussolée, espérant “qu’à son réveil, ce sera demain. Le jour d’après. Tout sauf un deuxième aujourd’hui”.
Sauf que le lendemain matin son téléphone lui donne comme date jeudi 27 octobre, “le jour d’avant le jour d’avant. Et, sauf erreur de sa part, demain sera mercredi. Puis ce sera mardi. Et ensuite ? Un retour en arrière perpétuel ?”.
Quand elle comprend que sa vie a basculé dans un néant temporel, elle craint de se retrouver dans un univers alternatif effrayant où elle vivrait toujours le même jour tout en voyageant dans le futur pour éviter à tout prix ce qui s’est passé ce jour fatidique. “Un jour sans fin” comme celui que vit Bill Murray dans le film éponyme. Chaque jour précède la veille au lieu de la suivre et Jen finit par penser que se servir de cette “boucle temporelle” est le seul moyen d’empêcher le futur meurtre. Par exemple en cherchant et en trouvant dans le passé qu’elle revit des éléments qu’elle n’aurait pas relevés la première fois, notamment cet “effet papillon. Un petit détail qui change tout. » Et un moyen d’en changer un, de “retourner au bon endroit, au bon moment, et d’intervenir”. Car, nous dit-elle :
“Les preuves se trouvent souvent dans ce que les gens ne disent pas. Ce qu’ils omettent. Comme ce type qui trafique ses comptes et essaie de planquer d’énormes profits dans vingt-cinq cartons de paperasse, en espérant que les avocats n’auront jamais le courage de les ouvrir”.
Elle vit tant mal que bien ces changements quotidiens de temporalité qui la font tourner en rond, l’accablent et la rendent furieuse ; vivre dans le passé en connaissant tout du futur la place dabs un décalage perpétuel, elle netient que pour son seul but : trouver l’issue de secours et sauver son fils.
En parallèle, nous suivons les débuts dans la police du jeune Ryan Hiles, qui a pour ambition première de protéger les gens, de “faire bouger les choses”. Nous le voyons évoluer et gravir les échelons très vite dans son travail grâce à son intelligence et sa motivation extrêmes. Les épisodes concernant Ryan sont loin de nous simplifier la vie car le rapport entre les deux affaires est difficile à deviner.
Impossible pour moi d’en dire davantage sans laisser traîner trop d’indices. La vie de Jen continue de dérouler à l’envers, d’abord du jour à la veille, puis d’une semaine à la précédente et enfin en sautant des mois, des années, des décennies, au point qu’elle se demande si elle ne cessera pas définitivement de vivre avant de connaître la “vérité”.
Cette vie à rebours est ponctuée de simples réminiscences et de souvenirs précis. De rebondissements. De trahisons en faux-semblants, de surprises en stupéfactions et de vrais mensonges en fausses vérités, Jen continue d’avancer à reculons dans sa vie devenue sans intérêt puisqu’elle la connaît déjà, totalement perdue mais essayant sans cesse de comprendre les règles du jeu et de garder un pied dans un passé qui est devenu son présent pour empêcher le futur d’être aussi sombre que ce qu’elle en a vu.
Quant à la fin… Vous m’en direz des nouvelles…
Un regard sur le livre. J’ai lu ce thriller psycho fantastique grâce à Miléna qui m’en a donné l’envie dans une vidéo dont vous trouverez le lien en fin de chronique. Autant le dire d’emblée, le fantastique pur ou presque pur n’est pas ma tasse de café. Du tout. Le réalisme magique, oui, car un zeste de fantastique ne fait souvent que renforcer la réalité de l’histoire, mais point trop n’en faut.
“Fantastique”, Après minuit l’est sacrément. Par chance, je ne l’avais pas vraiment compris, pas plus que je n’avais considéré sa pagination conséquente… je ne l’aurais pas lu, en quête permanente de lectures accrocheuses mais courtes pour sortir des sagas sur lesquelles j’ai tendance à plonger la tête la première.
Mais comme il faut toujours une exception pour confirmer la règle, j’ai transgressé la mienne et me suis laissée happer puis fourvoyée dans cette histoire, à courir derrière la pauvre Jen, incapable de la laisser en plan.
J’aurais raté un vrai plaisir de lecture alors que, prise dès le début de l’intrigue, j’ai lu Après minuit en quelques petits jours, maudissant les coupures “obligées” de la vie quotidienne qui nous empêchent parfois de faire du “lu d’une traite”.
L’histoire est compliquée je vous l’accorde. Et elle l’est de plus en plus et jusqu’au bout. Mais, tout en ayant toujours en tête que la science-fiction n’existe a priori pas ailleurs que dans les fictions, j’ai continué ma lecture avec régal. L’écriture et sa traduction, loin d’être littéraires sujet oblige – il n’a pas dû être facile de rendre plausibles tous ces allers et retours entre le passé omniprésent, le présent fuyant et le futur effroyable, jouent pour nous. Après un démarrage un peu lent, le rythme s’accélère très vite grâce à une écriture vive, efficace, avec des dialogues à la fois enlevés et volontairement fuyants, “remplis” de non-dits pour certains personnages, et des chapitres courts qui nous font tourner les pages très, très vite et rendent difficile l’arrêt de la lecture.
Il faut souligner la maîtrise totale et de bout en bout dont fait preuve Gillian McAllister pour tenir aussi bien toutes les ficelles de l’histoire dans un présent toujours relatif, de tous les personnages, de toutes les spatio temporalités sans jamais en lâcher une, quitte à nous laisser, peut-être, un peu trop d’indices, de détails (et quelques longueurs et répétitions de la part de Jen, qui détient seule le point de vue de l’histoire sans en être la narratrice). Un “je” narratif eût été moins “plausible”, c’est sûr.
La construction doit aussi son habileté à des présentations rapides et anodines de personnes qui deviennent signifiantes au fil de l’histoire, des centaines de pages plus tard parfois.
L’histoire se tient, l’enquête de Jen et celle du jeune policier sont tout à fait cohérentes.
Mais les personnages sont moins marqués du sceau de la fiction. Une famille unie et aimante, une mère prête à tout pour sauver d’un sinistre futur son fils adolescent surdoué, naïf et rebelle à la fois, ça court les rues, non ? Un mari aussi drôle, sexy, gentil et serviable que Kelly, moins, c’est vrai. Mais il sait se montrer fourbe et bougon, entre autres. Leurs relation sont tendres, affectueuses. Avec leur personnalité et leur complexité, leurs vérités et leurs cachotteries, et avec leur humour, tous trois contribuent à retenir le lecteur dans les pages et méritent qu’on s’intéresse à eux et à leur futur en traversant leur passé. Nous passons un moment très agréable en leur compagnie et les abandonnons à regret.
Pourtant, je persiste, le fantastique n’est pas ma tasse de café et, même si j’ai apprécié les personnages pour ce qu’ils sont dans l’histoire, ils ne me resteront pas longtemps en tête, pas assez prégnants pour être réalistes. Trop “science fictionnels”. A mon goût bien sûr. Mais une lecture légère, sans passion ni emballement, juste à suivre une mère affolée dans une course contre le temps pour sauver son fils, c’est appréciable. Pour ça, un grand merci à Miléna.
Lien de la vidéo de MilénaLit :
DES VÉRITÉS VRAIES DE VRAI
Après minuit n’est pas un roman féministe au sens engagé du terme. Pourtant Gillian McAllister fait à plusieurs reprises des réflexions justes sur la vie intime des femmes et sur leurs relations avec leurs enfants (dès la naissance) et avec les hommes de leur vie.
Un bonheur sans nom précédé d’une douleur sans nom pour les femmes, l’accouchement :
“Personne ne l’avait jamais mise en garde contre l’accident de voiture qu’était l’accouchement. A un moment, elle avait été sûre et certaine de mourir, et cette certitude ne l’avait jamais véritablement quittée, même une fois rétablie. Elle n’en revenait pas que les femmes subissent une chose pareille. Qu’elles décident de remettre ça. Qu’une telle douleur existe pour de vrai”.
Et plus loin, dans la bouche de son père :
“On n’a jamais envie que son enfant ait l’impression d’avoir été un fardeau.»
“C’est dur d’avoir un bébé. Personne n’en parle, de ça”.
La culpabilité, un sentiment presque exclusivement féminin, récurrent dans l’histoire au point d’en devenir une thématique, comme celle du mensonge, dont je ne peux parler :
“Une boule de culpabilité apparaît dans son ventre. La culpabilité maternelle, cette créature qu’elle a essayé de combattre presque toute sa vie, mais qui est toujours – toujours – là, quoi qu’il arrive.”
2 Responses
Sûrement un clin d’œil de l’autrice car je n’ai rien trouvé dans les pages qui pourrait justifier cet horaire…
Qu’est-ce que c’est que cette histoire de changement d’heure juste après minuit ? C’est de la fiction ???!!! De ce que madame Google a pu me raconter lors de mes longues soirées de discussion avec elle à bord de ma DeLorean, le passage à l’heure d’hiver de 2022 en Angleterre s’est réenroulé à 2h pour retourner vers un ancien futur déjà dépassé de 1h. Qu’en pense mon pote le Dr. Emmett Brown ?