Si la littérature devient passion, c’est bien que tout est dans les livres !

Vivre vite ⇜ Brigitte Giraud

Ce livre, qui ne joue pas la corde sensible, est malgré tout bouleversant. C’est pour moi un énorme coup de cœur. Un livre à lire très vite, à dévorer… à relire peut-être plus lentement, à ne pas manquer en tout cas.
Sorti chez Flammarion, 206 pages, à la rentrée littéraire de septembre 2022.
Brigitte Giraud
Brigitte Giraud

Cette écrivaine française est née en Algérie en 1996 et vit à Lyon. Après avoir écrit des nouvelles, elle publie des romans. Vivre vite est son sixième. Il s’agit d’un roman autobiographique.

Son mari, Claude, est mort dans un accident de moto en juin 1999. En 2001, elle avait écrit À présent, sur son deuil récent, la douleur, la solitude, le manque…

La démarche de Vivre vite est différente. Plus de vingt ans se sont écoulés. Son mari est mort à l’achat de cette maison tant convoitée, sans jamais y avoir vécu. Vingt-deux ans plus tard, ce bel endroit de nature préservée, autour de la maison, dans la grande ville, doit être rasé… L’écrivaine est contrainte de vendre, c’est le moment pour elle de mettre un point final à cette histoire.

Ce n’est pas un livre sur la douleur ni sur l’émotion, Vivre vite ne vous tirera pas de larmes. C'est un fait, quand on se relève d’un accident, on a tendance à dire SI… Et l’on vous rétorque qu’avec des SI… et qu’on ne peut pas faire marche arrière, on ne peut pas rembobiner le film. Eh bien, c'est pourtant ce que Brigitte Giraud s’autorise dans ce roman.

Nous voici partis pour une longue litanie de si… Autant de chapitres très brefs qui structurent le livre et lui impulsent un rythme rapide, nous conduisant inexorablement vers l’issue tragique. Parmi eux :

3. Si je n’avais pas visité cette maison
8. Si mon frère n’avait pas eu un problème de garage

Beaucoup de si, mais aussi des pourquoi :

14. Pourquoi Tadao Baba, l’ingénieur japonais qui a révolutionné l’histoire de la firme Honda, entre-t-il pas effraction dans mon existence.

“Vivre vite, mourir jeune”, écrit par Lou Reed, extrait du livre que lisait son mari et que l’écrivaine a retrouvé au pied de son lit, imposait en tempo vif, d’autant que ce mari travaillait dans la discothèque de Lyon et écrivait aussi des articles de rock.

Tout ce contexte imposait donc une écriture rythmée, pour ne pas dire rock’n’roll. Accompagnée et servie par un vocabulaire résolument contemporain, technique si nécessaire. Vous aurez certainement envie, si comme moi votre culture rock est très réduite, d’aller chercher, écouter cette bande son qui défile au long des pages. Nous sommes dans une cellule familiale, dans les années 90, à la toute fin du XXè siècle, les portables n’avaient pas encore envahi la planète…

Écrire sur un tel sujet avec de la dérision souvent, de l’ironie parfois, de l’humour aussi c’est un sacré pari que Brigitte Giraud gagne haut la main.

“Claude disait souvent qu’aux motards on ne demandait rien, on les considère comme une espèce à part, un genre de mystère sous un équipement la plupart du temps repoussant, et qui agit comme un épouvantail, adresserait-on la parole à un scaphandrier, un apiculteur ou à un cosmonaute en partance pour la lune? On imagine les motards sans visage, sans paroles, et sans portefeuille.”

Nous voilà, lecteurs consentants et avertis au bout du voyage, au bout de cette accumulation et imbrication de hasards malencontreux, quelque peu essorés (Brigitte Giraud évoque le tambour de la machine à laver), à ce carrefour où le feu était passé au rouge… Nous quittons Claude, ce mari adorable, pas contrariant : “pourquoi pas”, ce père admiré par son fils qu’il allait chercher à l’école deux fois par semaine et qu’il initiait à la mécanique.

Ce livre, qui ne joue pas la corde sensible, est malgré tout bouleversant. C’est pour moi un énorme coup de cœur. Un livre à lire très vite, à dévorer… à relire peut-être plus lentement, à ne pas manquer en tout cas.

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