Olivier Norek a plusieurs vies. Après avoir travaillé dans l’humanitaire en ex-Yougoslavie, il a exercé comme lieutenant au SDPJ 93 (Service départemental de la police judiciaire de Seine-Saint-Denis) pendant une quinzaine d’années. Depuis, il s’est mis à l’écriture et publie des romans policiers noirs, dont une trilogie relatant les enquêtes en milieux difficiles du capitaine Victor Coste : Code 93, à la fois le premier de la trilogie et son premier roman, puis Territoires et Surtensions. Victor Coste est peut-être bien son double… Avec Dans les brumes de Capelans nous retrouvons enfin notre capitaine de police préféré.
Suivra, dans un tout autre registre Entre deux mondes, thriller difficile car réaliste (il se déroule en pleine jungle de Calais) et profondément humain. Surface démarre une autre série d’enquêtes avec cette fois une jeune femme un peu “fracassée” à la barre. Plusieurs de ses romans ont été primés.
Tout en écrivant, il a collaboré comme scénariste à la série française Engrenages, ce qui n’a rien d’étonnant quand on lit ses romans à l’écriture et au rythme si… scénaristiques.
Enfin, avant cette quatrième aventure de Victor Coste, il y eut IMPACT, pour moi de loin son meilleur à moins que ce ne soit Entre deux mondes. Comme pour ce dernier, Olivier Norek déborde du genre du thriller ou de celui 100 % polar pour prendre à bras le corps un thème d’une grande actualité : l’écologie. Il le fait à merveille, se questionne, nous questionne et, surtout, interroge les grands de ce monde : politiques, lobbyistes de l’industrie et de l’énergie, banques. Impact, écrit pendant le premier confinement, relie les deux problèmes essentiels de ce début de siècle : les migrations et le réchauffement climatique, en mettant en lumière la cause numéro un : l’homme et sa volonté de toujours posséder et consommer davantage. Un plaidoyer impressionnant pour l’humain, enfin ce qu’il en reste. Et on ne peut pas dire que les choses aient bougé dans le bon sens depuis. La faute à qui ? A la covid, aux confinements, aux manques de moyens ?
Ou peut-être aux puissants de ce monde ? …
L’histoire. Allez, je ne dévoile rien. Je vous fais une fleur en vous citant les cinq dernières lignes de l’opus 3 des enquêtes de Victor Coste. Juste avant l’épilogue, nous lisions, dans la bouche du commissaire divisionnaire Stévenin : « Je connais Coste mieux qu’il ne se connaît. C’est un flic. Pire que ça, c’est un chien policier. Un chasseur. Il ne sait faire que ça. Il a été dressé pour ça. On ne peut pas se séparer d’un flic comme lui. Quinze années que je l’envoie sur les enquêtes les plus merdiques du département. Des affaires qui auraient flingué n’importe quel cerveau. Il a simplement besoin de temps. Où qu’il soit et quoi qu’il espère y trouver, il reviendra au chenil. Je laisse juste la porte entrouverte”.
Ici l’intrigue, qui démarre un peu lentement, m’a semblé assez complexe au départ. Elle se déroule en deux endroits différents distants de quatre mille kilomètres. La région parisienne pour la direction générale de l’enquête et Saint-Pierre – une île de l’archipel français Saint-Pierre-et-Miquelon, proche du Groenland et du Canada, donc en proie aux hivers de neige, de vent et… de brumes – pour l’investigation au quotidien. Les brumes de Saint-Pierre ont la réputation d’être les plus épaisses du monde, aussi denses et opaques qu’un drap blanc.
Le Prologue, d’une vingtaine de pages, est le véritable départ de l’histoire. En banlieue parisienne, une adolescente de quatorze ans, Anna, disparaît une nuit de la maison de ses parents tandis que son petit frère de quelques mois est retrouvé couché dans le lit de ses parents, entre eux deux, alors qu’il dormait paisiblement dans sa chambre. L’enquête est menée par le commandant Russo. Ce dernier est un peu comme notre capitaine bien-aimé, même si pour des raisons différentes : désabusé, lesté d’un passé encombrant, mal en point dans sa vie physique et mentale. Et ce n’est pas cette enquête qui lui rendra la santé.
Anna est la première d’une série de dix jeunes filles enlevées, violées et probablement tuées par le même homme, qui sont numérotées officiellement par la police de à 1 à 9, Anna ne figurant pas sur la liste des victimes. Elle a laissé un journal intime qui permet de commencer l’enquête avec une piste sérieuse. Pourtant les recherches piétinent. Jusqu’au classement définitif en tant que fugue, faute de plainte déposée par Anna contre ses parents qu’elle accuse pourtant dans son journal. Le bébé a, lui, été placé, puis adopté par une tante.
Nous retrouvons le commandant Russo dix ans plus tard lors d’une descente dans une maison isolée où il espère retrouver les victimes 8 et 9, Garance et Salomé. Dans une cave transformée en cachot, Garance est bien là, morte étranglée. Mais elle n’est pas seule. Recroquevillée dans un coin, Anna se relève et se jette dans les bras du commandant Russo.
Celui qui la croyait vivante et installée dans une vie qu’il espérait la moins mauvaise possible s’effondre peu après l’avoir retrouvée, d’autant que le juge d’instruction l’a mis à pied, “consigné à domicile” pour être entré dans la maison sans autorisation. Son cœur lâche, il tombe enfermé dans son appartement, sans avoir composé le 18, plus préoccupé de “soigner” son cœur par les addictions qui l’ont blessé. Tué en toute inconscience par Anna.
Autre temps, autre lieu. Passé le Prologue, nous sommes à Saint Pierre, dans une résidence surveillée blindée tel un bunker et dont la localisation et l’activité sont classées secret défense. Le “Service de protection des témoins”, unité créée depuis peu en France est chargée de faire “parler” les repentis du grand banditisme sur leurs dirigeants, leurs méthodes, leurs “coups” venus et à venir, leurs réseaux physiques et virtuels – leurs téléphones portables étant aujourd’hui tous ou presque des darkphones. Des portables cryptés grâce à un logiciel qui leur assure une tranquillité totale : pas de géolocalisation, pas d’écoute ou d’interception quelconque possible, un réseau interne à la bande.
Des informations obtenues des complices repentis moyennant une nouvelle vie sous une nouvelle identité, et sous protection bien sûr.
La belle surprise pour nous : c’est là qu’a échoué et officie désormais Victor Coste, le capitaine au charisme gros comme une montagne qui avait démêlé les trois enquêtes de la trilogie qui porte son nom – que je vous conseille vivement de lire si vous avez la chance de ne pas l’avoir déjà fait. Dans l’ordre si possible.
A la fin du troisième opus, Coste disparaît de la circulation après la mort d’un membre de sa famille (son équipe), une jeune équipière mère de famille, dont il se sent responsable. Après l’avoir “liquidé”, son créateur continue d’écrire bien sûr, sur d’autres sujets, nous laissant comme orphelins, incapables de savoir si Coste allait remonter la pente ou pas.
Pourtant, toujours à l’affût de la sortie du “dernier” roman des auteurs que j’aime, j’avais récemment entendu claironner partout (enfin, partout, dans les coulisses littéraires) que le “nouveau Norek” allait arriver et que Victor Coste l’accompagnait ! Enfin ! Après six ans de “retraite” il s’est fait un peu attendre mais il est bien là, à l’abri de tout et de tous et travaillant dans le secret absolu des services secrets, ce qui lui convient. Les seules relations qu’il a avec Paris sont télé et visiophoniques, avec quelques rares anciens collègues, dont la magistrate Fleur Saint-Croix, qui lui a proposé ce “job parfait pour lui” et son besoin de solitude. De super flic, le voilà devenu “peseur d’âmes”, l’homme qui “pèse les âmes de ceux qu’on lui envoie, qui vérifie s’ils méritent d’entrer dans ce programme”.
Officiellement sur l’île, il est commandant de la police aux Frontières. Son rôle consiste presque exclusivement à vérifier les entrées et les sorties de l’archipel. Et nul n’a connaissance de ce qu’il fait dans la “safe house” pendant ses longues absences à son poste. Peu enclin aux réunions-dîners-apéros entre collègues ou îliens, il d’emblée été catalogué “ours solitaire”. L’exception inhérente à la règle : un voisin vieux et malade, Armand – un criminologue ! – et sa petite fille Esther, gothique à souhait, avec lesquels il partage de bons moments. Bref, de quoi lui faire oublier doucement son passé…
Victor Coste n’a jusqu’à présent interrogé que des voyous, des petits mafieux, des “ordures”. Mais après le départ du dernier, le jeune geek inventeur des dark phones justement, qui lui a donné bien du fil à retordre, changement de programme : la direction lui demande d’essayer de faire parler Anna Bailly, la victime numéro un, la fameuse jeune fille disparue, retrouvée dix ans après dans un état d’amnésie totale et de grande fragilité psychologique. Le but est de réussir à découvrir l’identité du tueur en série et de l’empêcher de nuire à nouveau, mission à laquelle tous les membres du SSPO ont échoué, y compris la psy. Et pour le service du capitaine Coste comme pour lui, c’est aussi “la” première victime.
D’abord réticent, il finit par accepter devant l’absence de choix, mais sans aucune envie de brusquer une jeune femme fragile et inaccessible Une différence avec les mafieux : Anna peut sortir, travailler même…
Dès son arrivée il met les choses au point avec elle : “J’ai plutôt l’habitude de gérer des criminels repentis à qui on offre une nouvelle identité pour autant qu’ils balancent tout sur leurs anciens complices. Des petits salauds qui nous en donnent des plus gros et pour qui je n’ai aucun affect. Mais à la fin, la mission, c’est moi qui l’accepte ou non. Alors si vous êtes là, c’est que je le veux bien.”
L’arrivée d’Anna est le point de bascule. Le premier du moins. Tout en restant un thriller diablement efficace, l’histoire se double d’un suspense psychologique : Coste doit amener Anna à retrouver dans sa mémoire embrouillée des bribes de souvenirs sur le monstre avec lequel elle est restée dix ans. Et sur les autres victimes, mortes ou vives…
Il doit pour ce faire lui réapprendre à parler et à écouter les autres sans avoir peur d’eux. Comprendre, après avoir éliminé définitivement le syndrome de Stockholm, pourquoi son bourreau l’a épargnée aussi longtemps. Tout cela avec en face de lui une jeune femme amnésique, terrorisée, à la personnalité aussi dérangée (et dérangeante) que son visage hors normes aux yeux de chat trop grands et trop écartés.
La météo de l’île ne va pas arranger les affaires du capitaine, avec l’arrivée imminente des brumes qui allaient plonger Saint-PIerre dans l’obscurité la plus totale à la fin du jour. Et qui sait ce qu’elles pourraient dissimuler sous leur épais voile !
De page en page le mystère s’épaissit et les psychologies évoluent. La tension monte en un dosage parfait de suspense et de psychologie. Jusqu’à l’Epilogue qui, tout comme le Prologue fait partie intégrale de l’histoire. La fin qui le précède n’est pas “la vraie” fin. L’histoire continue sur une vingtaine de pages et le lecteur n’est pas au bout de ses surprises.
La plume d’Olivier Norek s’est encore bonifiée. Ou plutôt non : elle s’est “redimensionnée ». Quand l’action dominait d’un bout à l’autre des enquêtes, elle suivait le rythme de l’histoire et l’efficacité primait tant dans la narration que dans les dialogues, allant à l’essentiel.
Ici, c’est la psychologie qui domine et la plume se fait plus fine, plus belle en cajolant ses personnages (surtout le capitaine et son ami malade sur l’île puis Anna) et les fait parler moins vite. De belles descriptions (du paysage et des personnes) nous font apprécier davantage encore la plume de l’auteur.
Mon regard sur le livre. Ouvrir un livre d’Olivier Norek, c’est comme entamer une conversation avec un ami de toujours : l’assurance de ne pas être déçu. Quel que soit son sujet et il sait les choisir…
C’est le cas ici encore. Exit l’action rapide et les armes qui hurlent, même si Victor Coste est aux commandes. Bienvenue dans la psychologie et la réflexion. J’ai pour ma part rarement lu un roman avec un suspense aussi fort qui soit basé essentiellement sur l’étude psychologique des personnages, tant les principaux que tous les secondaires, dont le rôle est important et la personnalité ciselée. Et tête de liste le capitaine Coste, la victime Anna et son bourreau aux noms multiples…
Olivier Norek a du mal à se séparer de ses personnages. Ils font partie de sa vie, de leur histoire mais aussi de la sienne et il le confirme dans ce dernier roman. Il les soigne pour ne pas dire les bichonne quand il les aime, les écoute, les regarde. Le capitaine Coste oui, mais également ses anciens équipiers, et les méchants. Alors, il fait de temps à autre des références amusantes à ses anciens ouvrages, ici Surface (2016) et son héroïne, la capitaine Noémie Chastain défigurée par une balle à bout portant. Les nouveaux (enquêteurs, tueurs et victimes), qui sont liés à l’intrigue et aux lieux où elle se déroule, ont droit eux aussi à un portrait psychologique détaillé en noir et blanc ou en demi-teinte selon leur degré de noirceur. Le commandant Russo est une sorte de substitut de Coste et ressent comme lui une grande empathie pour les victimes.
Cette propension à fouiller l’âme des personnages nous amène à mieux comprendre (ou carrément pas mais chut…) leurs comportements et au bout du compte un suspense équivalent, voire plus intense.
Côté suspense justement, plusieurs points de bascule nous attendent, dont une nous tombe sur la tête aux deux tiers du livre. Là, nous continuons à toute allure, avec l’angoisse de perdre une seule miette car tout est d’importance, nous trépignons en tournant les pages. Hommes et femmes, nul n’est vraiment ce qu’il semble être, l’auteur nous balade – sur terre et sur mer, en banlieue parisienne et sur l’archipel – de chausse-trappe en chemin de traverse et de piège en leurre il nous tient et ne nous lâche pas même avant l’Épilogue qui est à lui seul une sorte de chapitre dernier.
Il est intéressant de constater que certains personnages dépassent les limites des notions du bien et du mal. Et nous, lecteurs perdus, avec eux bien sûr. Il n’est pas toujours facile de discerner le mal absolu (pourtant présent) chez certains personnages de l’ambiguïté humaine « normale ».
Qu’Olivier Norek atteigne des sommets dans le suspense psychologique et dans le polar énergique n’a rien de surprenant : il excelle dans les deux registres. Mais là où je l’attendais un peu moins, c’est dans les descriptions le plus souvent poétiques des paysages (aurores boréales, les brumes de Capelans, les îles battues par les vents et leurs quelques bâtiments (l’école, l’église), qu’il semble connaître comme sa poche grâce à des mois de présence, car l’investigation c’est vraiment son truc, l’approche de l’humain aussi.
Toujours est-il que la nature, magnifiquement décrite dans sa force et sa beauté, joue un rôle important dans l’histoire.
Ce talent-là, Olivier Norek nous l’avait caché, privilégiant l’urgence des situations et les relations humaines. Une raison de plus de le lire et la preuve s’il en était besoin que les auteurs de noir sont des littérateurs purs et durs.
J’ai glissé quelques beaux extraits en fin de chronique.
Aujourd’hui, Olivier Norek s’est je crois « libéré » de son travail de flic, auquel il était si attaché. Il fallait bien ça pour se consacrer à temps plein à l’écriture vu l’étendue de ses sujets et la facilité, la profondeur avec lesquelles il les aborde, ainsi que la qualité de sa plume qui le suit sur tous les registres.
À quand le prochain roman, Coste ou pas Coste ? Je l’attends déjà. Et je le mets dans mes coups de cœur sans l’avoir lu…
Je dirai pour finir que si vous aimez le suspense constant, les retournements (de situations et de personnages) impensables, les fausses pistes qui toutes mènent à l’eau, Dans Les brumes de Capelans est écrit pour vous, mais gare à la nuit blanche. Et si vous appréciez en outre les investigations poussées et les études psychologiques dont les personnages bien tordus ne dévoilent “leur” vérité qu’à la toute dernière page, vous le lirez plus vite encore, sachant pertinemment que vous allez vous faire avoir mais pas par qui…
QUELQUES PASSAGES POÉTIQUES
aptes à nous faire patienter entre deux épisodes tendus,
concernant essentiellement le décor naturel…
Sur les fameuses brumes :
- “Les brumes de Capelans. Le courant chaud du Gulf Stream rencontre le courant froid du Labrador et une fois par an, pendant trois semaines, les brumes tombent sur l’archipel et le font disparaître littéralement de la carte. Tout devient… Disons… Mystique. Et elles arrivent bientôt !”
- “Trois soleils auraient pu se lever ce matin sans qu’ensemble ils fussent capables de traverser la brume qui fonçait sur l’île. Comme un nuage épais et gigantesque tomberait d’un fabuleux orage pour s’accrocher sur l’océan et fondre sur Saint-Pierre, la brume avala les bateaux amarrés au loin, puis le port, puis les plages et les criques. Elle s’insinua ensuite dans les rues, suivant leurs courbes, grimpant les côtes sans effort, dévalant les pentes comme la fumée poisseuse d’un incendie extraordinaire, butant sur les maisons pour les engloutir enfin, faisant tout disparaître jusqu’aux hommes”.
- “Un souffle puissant dissipa les brumes comme on soulève le voile lanc d’une œuvre d’art présentée pour la première fois au public. Elles se posaient, puis s’en allaient, sans que jamais personne ne puisse les prévoir. Il n’y avait qu’une période, entre le printemps et l’été, où, plus denses et plus fortes, elles emprisonnaient l’île pour trois semaines complètes, au moment des brumes de Capelans. Mais avant leur arrivée imminente, Anna allait certainement pouvoir profiter de plusieurs jours d’une météo et d’un soleil radieux qui transformeraient l’île en paradis terrestre.”
- “Dehors, alors que le soir tombait, le climat de l’île offrait un phénomène rare à celui qui y portait attention. La surfusion. Quelques kilomètres plus haut, le temps se réchauffait légèrement et la neige devenait pluie. Arrivant sur ce bout de planète encore si froid qu’on se brûlait à le toucher, les gouttes se transformaient instantanément en glace, enrobant d’une coque transparente ce sur quoi elles tombaient. Et tout devenait sculpture de givre. Les fleurs en bouquets de cristal, les aiguilles des pins en épines de verre, les rochers sombres en pierres précieuses géantes”.
Sur les aurores boréales. Qui n’a rêvé d’en voir au moins une ? Ici, vous en « lirez » une en images, trop longue pour être recopiée.
Et une interprétation :
- “Pour certains peuples, le ciel est une digue retenant des rivières de lumières, et lorsque la digue cède s’échappe un torrent de couleurs. Longtemps inexplicables, les aurores boréales ont forcé les hommes à leur créer des légendes. Âmes dansantes des défunts, reflet des armures des Walkyries ou pont vers l’au-delà, les habitants des terres qu’elles éclairent leur ont toutes trouvé une histoire”.
La nature en colère :
- “En prélude, ce fut d’abord le vent qui coucha les longues herbes des tournières et rida l’océan comme s’il frémissait d’avance à l’idée d’être bientôt déchaîné, envolant et emmêlant les cheveux de la jeune fille dont l’excitation grandissait. Pour celui qui sait écouter, ce sont les premières notes de la respiration du suroît qui vous conseille d’aller vous abriter. À la suite de cet avertissement, d’immenses nuages obscurs et menaçants apparurent au fond du ciel, poussés par le souffle de la tempête qui les menaient au-devant de la scène, formant un million de petits rouleaux blancs qui parcouraient la surface de l’eau en une armée d’écume resserrant ses rangs. Puis, avec une lenteur inquiétante, se formèrent des masses sombres, puissantes, informes, comme si une nouvelle île venue des profondeurs allait émerger. Ces masses s’élevèrent en s’affinant, devinrent enfin des vagues formidables et démesurées. En grandissant, leur sommet se para de longues crêtes qui s’allongeaient et barraient l’océan, parallèles à l’horizon qui disparaissait sous le temps tourmenté. Toujours plus hautes, les vagues semblaient vouloir se décrocher de l’Atlantique pour rejoindre le ciel, et à leur point culminant, fonçant droit vers la terre, elles venaient, furieuses, exploser dans un tumulte blanc contre les rochers qui ceignaient la plage, donnant de l’océan l’impression qu’il atteignait son point d’ébullition”.
Enfin, une réflexion comme seules nous, les femmes, pouvons les “apprécier” :
- “S’il y a des femmes battues, c’est que l’homme l’a décidé. Si elles restent à la cuisine, c’est que l’homme l’a décidé. Si elles ne gagnent pas le même salaire, c’est que l’homme l’a décidé. Si elles doivent cacher leurs cheveux ou leur visage, c’est que l’homme l’a décidé. Si elles sont agressées sexuellement, c’est que l’homme l’a décidé. Si j’ai été enlevée et séquestrée, c’est parce qu’un homme l’a décidé. Uniquement parce que l’homme a quinze kilos de muscles en plus. Il n’y a pas d’autre raison. Si le lundi, ils décidaient de nous mettre en esclavage, le mardi l’affaire serait pliée. Ils ont la supériorité physique et je ne connais pas une seule espèce animale qui n’ait pas soumis ses inférieurs. On est en sursis et personne ne viendra nous défendre. Tu as lu La Servante écarlate de Margaret Atwood ? Ça parle exactement de ça”.
Enfin, pour la joie de retrouver le capitaine Coste comme on l’a toujours connu, des paroles de Saint-Croix :
- “C’est du Coste dans le texte. On prépare nos opérations avec notre cerveau et notre raison, mais il faut parfois les terminer avec ses tripes et son instinct”.
Pour tout le reste, c’est du très grand Olivier Norek…