Si la littérature devient passion, c’est bien que tout est dans les livres !

Graine de sorcière ⇜ Margaret Atwood

EN DEUX MOTS : Une aventure théâtrale que vous n’êtes pas près d’oublier… et une vengeance orchestrée avec un brio incomparable. Chapeau bas Madame Atwood !
Sorti en avril 2019 chez Robert Laffont, Collection Pavillons. Roman. 341 pages. Traduit de l’anglais (Canada) par Michèle Albaret-Maatsch. Sortie en poche chez 10-18 en juin 2020.
Margaret Atwood portrait

L’auteure. J’ai un peu honte en lisant sa biographie : cette grande dame de la littérature canadienne a 81 ans et je n’avais encore rien lu d’elle ! Mieux vaut tard que jamais. Tout le monde connait La servante écarlate, mais elle a de très nombreux autres livres à son actif, dont un nombre important pour la jeunesse, elle écrit depuis 1961 et elle est traduite dans cinquante langues ! A reçu le prix Franz Kafka pour l’ensemble de son œuvre.

Si vous aimez le théâtre et Shakespeare ce livre est pour vous ! J’ai trouvé les 70 premières pages barbantes, j’ai failli même lâcher. Mais bon, ayant animé un club de théâtre pendant dix ans dans mon collège je me suis accrochée et comme j’ai bien fait !

Nous sommes dans une histoire de vengeance. Felix Phillips dirigeait une troupe de théâtre, directeur d’un festival, ce qui représentait toute sa vie, ayant perdu sa femme, puis sa petite fille. Deux hommes signent son arrêt de « vivre » en lui prenant sa place… Felix sombre, il choisit de se faire oublier, de faire le « mort », tout en ruminant une possible vengeance. Un possible retour au théâtre…

Douze longues années s’écoulent pendant lesquelles il n’a d’autre compagnie que celle, imaginaire de sa fille Miranda.

Il répond à une annonce dans laquelle on demandait un professeur pour des séances d’alphabétisation dans un pénitencier (!). Il est embauché par la responsable culturelle de l’établissement. C’est là que tout démarre et qu’on ne lâche plus cet homme. Notre personnage principal, présent du début à la fin de cet ouvrage… qui va viser très haut ! Il lance son groupe de détenus dans le théâtre, dans des pièces du grand Shakespeare qui plus est ! Pas à leur niveau ? Mais si ! Il faut voir comme il les hisse non seulement dans la comédie mais dans des analyses poussées des textes, des personnages.

Trois pièces en trois ans… et puis la visite annoncée de deux ministres ! Les deux hommes qui ont sabordé sa vie ! La vengeance est un plat qui se mange froid. Pas morale la vengeance ? Vous verrez, vous aussi vous allez souhaiter qu’elle soit couronnée de succès, on marche à fond avec lui pour cette apothéose interactive, en partie virtuelle…aussi brillamment orchestrée que la pièce elle-même.

J’ai oublié de dire le titre de la pièce : La tempête. Attention cela va chahuter ! Viendra le rejoindre pour incarner le rôle féminin la jeune Anne-Marie, audacieuse (elle n’a pas peur de venir jouer avec cette troupe 100% masculine et pas des plus rassurantes a priori !) : aussi brillante comédienne que danseuse, elle connait aussi des prises à faire frémir, de quoi tenir à distance d’éventuels comportements déplacés.

Les détenus, pardon les comédiens n’ont le droit durant les répétitions que d’utiliser les jurons employés par Shakespeare dans la pièce, ils en ont dressé l’inventaire. « GRAINE DE SORCIERE » en est un. Ils utilisent un nom de scène (qui peuvent faire penser aux noms des Indiens : bien représentatifs !)

Les dialogues entre eux, avec leur metteur en scène sont savoureux, on se régale. Ils vont jusqu’à réécrire des passages trop longs, trop rasoir, leur donnant un phrasé de rap ou de slam…

« Je m’appelle Caliban, j’ai des écailles, des ongles longs,
Je sens pas l’homme, mais le poisson
Graine de sorcière, c’est mon autre nom,
Disons que c’est ce qu’il me donne comme surnom…
Il me traite d’immondice, d’esclave, de poison,
Il m’enferme pour que je bronche pas,
Mais je suis Graine de sorcière ! »

« Il se relève dans des crissements de pied, s’extrait de sa lessiveuse et se retrouve sur le plancher froid, puis s’essuie vigoureusement avec la serviette. Il enfile sa chemise de nuit en pilou. Il remplit la bouillotte. Les dents dans un verre d’eau où un comprimé se dissout en libérant des bulles effervescentes ».

Oui, Felix est un anti-héros pour ne pas dire un loser… Mais il va vous faire vivre une aventure théâtrale que vous n’êtes pas près d’oublier… et une vengeance orchestrée avec un brio incomparable. Attention ! les trois coups vont retentir… Chapeau bas Madame Atwood !

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