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SI LA LITTÉRATURE DEVIENT PASSION, C’EST BIEN QUE TOUT EST DANS LES LIVRES !

Entre deux mondes ⇜ Olivier Norek

Un Syrien, Adam, militaire dans l’armée nationale mais sympathisant des rebelles, est sur le point d’être démasqué par le régime. Il organise en toute hâte le départ de sa femme et de sa fille pour l’Europe. Arrivées en Libye, elles embarquent pour traverser la Méditerranée mais disparaissent, noyées par un passeur. Lui, dans l’ignorance du drame, tente de les rejoindre à Calais où ils sont censés se retrouver.
Ainsi commence la quête d’Adam, de juin 2016 à Damas à octobre de la même année à Calais, que nous suivons avec appréhension, colère et effroi. Après les exactions barbares commises par le régime syrien, l’histoire raconte sa plongée dans l’enfer de la jungle et le calvaire des « réfugiés ».

Olivier Norek fait une description très lucide de cette jungle abandonnée de tous, à la fois « zone de non-droit et plus grand bidonville d’Europe ». Il en montre le caractère violent (prise de pouvoir, trafic, abus sexuels, recruteurs de Daech…).
Au travers de trois personnages principaux, Adam, Kilani, un enfant soudanais ayant subi toutes les violences liées à la guerre (esclave sexuel, enfant soldat), et Bastien un jeune policier honnête et compassionnel, l’auteur, lui-même lieutenant de police au service départemental de la PJ de Seine-Saint-Denis, se fait passeur d’émotions, sans misérabilisme, avec beaucoup d’humanité.

Entre deux mondes est un roman de société, bien documenté qui donne à voir une réalité complexe et provoque réflexion. Le lecteur ne peut rester indemne en le refermant.

L’avis de la SL. Voici la première chronique de Cécilou, la troisième rédactrice de Bouquivore, quatrième avec moi. Pour moi c’est pratique : soit je n’ai pas lu le livre et je poste la chronique, heureuse qu’elle gonfle les pages de Bouquivore, soit je l’ai lu et mets pour la forme mon petit grain de sel.

La Jungle de Calais juste avant sa « fermeture », son démantèlement officiel, nous plonge dans la réalité quotidienne de ceux qu’il est convenu maintenant d’appeler simplement « les migrants », comme si cette appellation recouvrait une seule et même nationalité et des habitants fuyant un seul et même pays, la « Migrance », par exemple…

Le plus difficile a été pour moi de comprendre puis de réaliser qu’il était tout aussi difficile, sinon plus, de parvenir à Calais (vu de l’enfer syrien comme un Eldorado) que d’en partir pour atteindre enfin le rêve final, l’Angleterre, « Youké  » comme ils disent pour United Kingdom. Simple question de gros sous au demeurant puisqu’en vertu des accords du Touquet de 2003, l’Angleterre paye grassement la France pour que la frontière entre les deux pays soit et reste en France… Tandis que ceux qui y sont enfermés restent les damnés de la terre. Déshumanisés (ils sont même traités de zombies) comme tant d’autres avant eux. Il y a c’est vrai, au-delà du suspense, matière à réfléchir longuement et même à nous regarder dans la glace…
Je n’ajouterai rien d’autre, excepté deux ou trois extraits emblématiques qui témoigneront de la claque qu’est ce faux roman policier profondément humain et bien documenté… Et qui file à cent à l’heure. Un auteur que je vais suivre de près.

« Feux de camp. Caravanes sans roues rescapées des fourrières. Des visages par milliers, d’Afrique du Nord, d’Afrique noire, d’Asie et du Moyen-Orient. Des chiens errants, la queue entre les jambes. Des chants d’enfants. Une musique pop pakistanaise quelque part au loin. Des relents de poubelle se mélangeant aux odeurs de cuisine. (..). Des hommes en djellaba et à la barbe longue, d’autres en jean, cigarette et bière à la main, pas de femmes, quelques gamins seuls, sales, souriant, se courant après ». (…) Des gamins, des jeunes, des adultes. Uniquement des hommes. De la pauvreté. De la misère. De la dignité, pourtant. Pas de tristesse. Venant des pays les plus éloignés et les plus violents, ils échouaient ici, comme l’écume des conflits de l’Afrique et du Moyen-Orient ».

« Avec le Brexit, l’Angleterre s’est renfermée. Contractée, même. Comme tous les pays riches qui n’ont qu’une seule trouille, c’est de voir l’autre partie du monde venir se décrotter les pompes sur leur paillasson ».