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SI LA LITTÉRATURE DEVIENT PASSION, C’EST BIEN QUE TOUT EST DANS LES LIVRES !

D’après une histoire vraie ⇜ Delphine de Vigan

 

Sorti en août 2015 chez JC Lattès. 480 pages. Roman (mentionné en couverture)

L’auteure. Delphine est une romancière française née en 1966 à Boulogne-Billancourt. Son premier roman, Jours sans Faim, est publié en 2001 sous un pseudonyme. Suivront Un soir de décembre et Les Jolis garçons, 2005, No et moi, 2008, adapté au cinéma, Les heures souterraines, 2009 et Rien ne s’oppose à la nuit, 2011, qui a obtenu plusieurs prix littéraires. Elle est à la ville la compagne de François Busnel, animateur éclairé de La Grande Librairie sur France V, grâce auquel je suis devenue fan de littérature américaine.

L’histoire. Une écrivaine, Delphine, en plein marasme intellectuel et psychologique après le succès aussi énorme qu’inattendu de son dernier livre, un roman autobiographique douloureux et nécessaire qui raconte la mort de sa mère, atteinte de bipolarité mentale. Un compagnon directeur de publication d’une revue littéraire très connue et animateur d’une émission littéraire à la télévision, qui s’appelle François… Des références à des personnalités et à des œuvres littéraires en pagaille, Agnès Desarthe, Nathalie Kuperman, Lionel Duroy, Gilles Deleuze… On est en territoire connu… et déjà dans le livre.
Le mal dont souffre Delphine, c’est l’incapacité d’écrire qui la paralyse depuis des mois avec des manifestations physiques (tremblements des mains, maux de ventre, panique confinant à la terreur…). Il est vrai qu’elle a de quoi paniquer : elle se pose et s’entend poser sans cesse cette énorme et récurrente question, à laquelle elle est incapable de répondre : que va-t-elle écrire après ça ?
Après ça, il n’y avait rien, c’était couru d’avance. J’avais ouvert la boîte noire, dilapidé le stock, je n’avais plus rien en magasin. (… ) Ce livre était un aboutissement, une fin en soi. Ou plutôt un seuil infranchissable, un point au-delà duquel on ne pouvait pas aller, en tout cas pas moi. (…) Peu à peu, s’était imposée l’idée terrifiante que j’avais, sans le savoir, écrit mon dernier livre. Un livre au-delà duquel il n’y avait rien, au-delà duquel il ne pouvait rien s’écrire. Le livre avait bouclé la boucle.
Deux années tragiques plus tard, elle a identifié le mal et tout commence à rentrer dans l’ordre. Apparemment. C’est sa longue descente aux enfers qu’elle nous raconte. Et celle-ci commence par une rencontre, qu’elle n’aurait jamais dû faire, avec celle qu’elle appellera L. tout au long du livre. Celle qui va la comprendre, l’aider, la soutenir, jusqu’à s’installer chez elle, dans son appartement et dans sa vie…

Le style. L’écriture est élégante mais sans effets, faite de mots simples, choisis et assemblés à la perfection. Une impression de grande fluidité de lecture ressort toujours, l’histoire se lit toute seule et nous tournons les pages à grande vitesse. De belles références littéraires et des formules qui sonnent juste dans les relations entre les deux femmes. Enfin une construction qui va crescendo dans le suspense et rend la lecture pressante.
Pourtant, j’ai noté quelques longueurs et une certaine lenteur dans le déroulement de l’intrigue (pas dans le style, toujours très clair). Celle-ci met du temps à démarrer pour de bon, aux deux tiers du livre peu ou prou. Le livre démarre dans le registre de l’angoisse psychologique, dans un intense huis-clos à deux, avant de basculer dans le thriller pur et dur. Quelques passages, certes intéressants : souvenirs, réflexions ne sont pas forcément très utiles et l’ensemble aurait pu être plus ramassé et tenir facilement en moins de trois cents pages sans nuire à sa  compréhension. Cela dit, le lecteur n’est pas perdant d’avoir «subi» ces petites attentes car le final est celui d’un thriller abouti.

Mon avis sur le livre. In-lâ-cha-ble ! Impossible, vraiment, de le lâcher avant d’avoir lu l’avant-dernière page (la dernière, je ne suis pas sûre de l’avoir comprise à cent pour cent). Plus on avance, plus on a envie d’avancer, d’arriver au bout, pour savoir ! Le suspense psychologique est mené de main de maître et ne retombe qu’à la fin. L’auteure s’en sort à merveille, elle a visé haut et atteint son but.  Avec un clin d’œil appuyé et revendiqué à Stephen King et son génial Misery. Un peu exagéré d’ailleurs à mon sens car l’auteur à un moment utilise les mêmes ressorts de suspense, les amateurs de Stephen King ne manqueront pas de s’en rendre compte et d’en être amusés ou agacés.
Au moment le plus tendu, le lecteur assiste à un véritable basculement des rôles et pour un temps la dominante devient la dominée. Delphine de Vigan fait ici preuve d’une grande maîtrise d’écriture tout en introduisant un changement dans la signification. Que peut-il se passer quand l’emprise change de camp ? L’emprise est une des composantes, omniprésente, du suspense de ce livre et l’on en mesure toute la force oppressive et anxiogène.
Toujours dans le registre du suspense, l’auteure parsème son récit de fausses pistes, de faux-semblants, de doutes conscients ou non sur l’honnêteté de L. Au point que l’on se demande parfois comment Delphine peut continuer à avoir cette confiance absolue en L., d’autant qu’elle nous dit assez vite se sentir observée dans l’immeuble d’en face et reconnaît souvent, après avoir vécu des situations bien particulières, qu’elle aurait dû se méfier beaucoup plus tôt.
L’ambigüité n’est pas présente uniquement dans les passages où domine le suspect, pas plus que les faux-semblants. L’auteure se balade dans toute l’histoire sur le fil si mince qui sépare la fiction romanesque de l’autobiographie. Ce livre devient avant tout un livre sur les livres. Et sur l’écriture. La difficulté technique d’abord, l’écriture à proprement parler, quand les circonstances idéales ne sont pas là : manque d’inspiration, épuisement des sujets, conditions psychologiques et/ou physiques et manque (ou excès) de succès auprès des lecteurs. Tous ces éléments pris un par un ou à plusieurs, conditionnent la «production» littéraire d’un écrivain. Car on n’écrit pas comme on part effectuer sa journée de travail au bureau ou ailleurs. L’écriture n’est pas tout à fait un travail comme un autre même si l’on entend souvent parler du métier d’écrivain et si certains écrivains ont des horaires de travail définis et réguliers et une créativité omniprésente. On n’écrit pas sans inspiration, l’angoisse de la page blanche, elle existe pour bien des écrivains. Certaines conditions doivent être présentes. Impérativement. Et cela est très bien décrit ici. Au passage, l’image de l’écrivain créatif, totalement à l’aise dans le choix de ses sujets, en prend un coup.
Après la difficulté de la rédaction stricto senso, l’auteure aborde le choix délicat du contenu du prochain livre. Se pose une fois encore le choix entre l’autobiographie et la fiction. Doit-on, et surtout peut-on écrire sur soi et sur sa famille, se (et la) donner en pâture à un public voyeur et insatiable ? Voilà bien une question que se posent les écrivains, tout du moins ceux pour qui l’inspiration n’est pas toujours évidente, pas spontanée. Et ceux qui ont à leur disposition, dans leur histoire familiale, un matériau tangible, exploitable leur permettant de s’orienter vers le récit de soi, les autres devant se «contenter» d’aller chercher ailleurs l’inspiration. Delphine de Vigan ayant déjà écrit sur elle et sa famille, elle avait bien le choix difficile à faire du réel ou de la fiction.
Pour pouvoir argumenter les deux théories, l’auteure utilise un procédé habile : les deux personnages (Delphine, celle qui écrit et celle qui vit l’histoire, mais c’est peut-être la même, et L.) soutiennent chacune une thèse. Delphine, bien que n’ayant pas encore trouvé son sujet, tient à revenir à la fiction, le succès de son dernier livre l’ayant totalement déstabilisée par sa soudaineté, alors que L. soutient becs et ongles que le lecteur ne veut plus lire que du vrai, de l’authentique, du réel et qu’il veut surtout savoir si tout ce qu’on lui raconte est vrai et si c’est toute la vérité qu’on lui raconte. Il demande la qualité et la quantité parfaites, justes, vraies.
Quant à dire si c’est le lecteur devenu le pire des voyeurs qu’il faut incriminer là, ou bien les auteurs qui écrivent –trop ou mal­– sur leur tissu familial, je serais bien en peine de le faire. Ce n’est sûrement pas dans ce livre que nous trouverons la réponse, l’auteure la cherchant elle aussi sans la trouver. C’est une question qui pour moi n’aura jamais de réponse ; mais qu’importe que l’histoire soit réelle ou fictive si elle nous emporte et nous émeut.
Delphine de Vigan va même encore plus loin, jusqu’à imaginer une interactivité entre la fiction et la vie réelle. Delphine, dans le livre, reçoit des lettres anonymes blessantes et violentes après la publication du livre sur sa mère Rien ne s’oppose à la nuit. L. tente de lui faire croire que si elle continue d’écrire sur sa vie et celle de sa famille, elle fera taire les mécontents parmi ses proches et ne recevra plus de lettres.
Pour étayer la thèse de la fiction comme source d’inspiration, Delphine nous dit (c’est un peu long comme extrait, mais tellement juste) :
Et puis j’ai tenté de dire combien le réel me paraissait inaccessible. J’ai tenté d’expliquer cette idée à laquelle je revenais sans cesse, selon laquelle, quoi que l’on écrive, on était dans la fiction. Les gens ont peut-être seulement besoin que ça sonne juste. Comme une note de musique. D’ailleurs, c’est peut-être ça, le mystère de l’écriture : c’est juste ou ça ne l’est pas. Je crois que les gens savent que rien de ce que nous écrivons ne nous est tout à fait étranger. Ils savent qu’il y a toujours un fil, un motif, une faille, qui nous relie au texte. Mais ils acceptent que l’on transpose, que l’on condense, que l’on déplace, que l’on travestisse. Et que l’on invente.
Et un peu plus loin :
La vérité n’existe pas. Mon dernier roman n’était qu’une tentative maladroite et inaboutie de m’approcher de quelque chose d’insaisissable. Une façon de raconter l’histoire, à travers un prisme déformant, un prisme de douleur, de regrets, de déni. D’amour aussi. Dès lors qu’on ellipse, qu’on étire, qu’on resserre, qu’on comble les trous, on est dans la fiction. Je cherchais la vérité, oui. J’ai confronté les sources, les points de vue, les récits. Mais toute écriture de soi est un roman. Le récit est une illusion. Il n’existe pas. Aucun livre ne devrait être autorisé à porter cette mention.
Enfin, dans les dernières pages :
Je ne crois pas à l’accent de vérité, Monsieur. Je n’y crois pas du tout. Je suis presque certaine que vous, nous, lecteurs, tous autant que nous sommes, pouvons être totalement dupes d’un livre qui se donnerait à lire comme la vérité et ne serait qu’invention, travestissement, imagination. Je pense que n’importe quel auteur un peu habile peut faire ça. Multiplier les effets de réel pour faire croire que ce qu’il raconte a eu lieu. Et je nous mets au défi – vous, moi, n’importe qui – de démêler le vrai du faux. D’ailleurs, ce pourrait être un projet littéraire, écrire un livre entier qui se donnerait à lire comme une histoire vraie, un livre soi-disant inspiré de faits réels, mais dont tout, ou presque, serait inventé.
Le second point de vue sur le sujet littéraire, celui de L., partisane récit personnel.
Pourquoi crois-tu que les lecteurs et les critiques se posent la question de l’autobiographie dans l’œuvre littéraire ? Parce que c’est aujourd’hui sa seule raison d’être : rendre compte du réel, dire la vérité. Le reste n’a aucune importance. Voilà ce que le lecteur attend des romanciers : qu’ils mettent leurs tripes sur la table. (…) L’écrivain n’a pas besoin de fabriquer des pantins, aussi agiles et fascinants soient-ils. Il a suffisamment à faire avec lui-même. Il doit se retourner sans cesse sur le terrain heurté qu’il a dû emprunter pour survivre, il doit revenir sans relâche sur le lieu de l’accident qui a fait de lui cet être obsessionnel et inconsolable. Ne te trompe pas de bataille, Delphine. Les lecteurs veulent savoir ce qu’on met dans les livres et ils ont raison. Les lecteurs veulent savoir quelle viande il y a dans la farce, s’il y a des colorants, des agents conservateurs, des émulsifiants ou des épaississants. Et c’est désormais le devoir de la littérature de jouer franc-jeu. Tes livres ne doivent jamais cesser d’interroger tes souvenirs, tes croyances, tes méfiances, ta peur, ta relation à ceux qui t’entourent. C’est à cette seule condition qu’ils feront mouche, qu’ils trouveront un écho.
En somme, si le suspense est le moteur qui happe le lecteur dès les premières pages pour ne plus le lâcher avant la fin, le véritable sujet du livre est intellectuel. Il concerne l’inspiration, l’essence de la littérature, sa base même puisque sans elle il n’y aurait pas d’écrit.
Autre grande qualité de ce livre, même si je ne suis pas très friande de ce genre de détails privés de la part des auteurs, encore moins des détails de la vie de ceux que l’on appelle communément les «people», Delphine de Vigan se montre ici très proche de son lecteur. Il la regarde vivre sous ses yeux pendant deux ans, il la voit souffrir et se faire dominer, il voudrait l’aider et lui souffler ‘fais attention, ne la laisse pas envahir ta vie, protège-toi, elle va ruiner ta vie et ta carrière, ressaisis-toi’…  Elle lui livre des détails sur elle, sur sa vie, ses enfants, son compagnon, ses amis, mais aussi sur ses appréhensions enfantines, sur des questions qu’elle se pose au quotidien, sur des sujets banals. Surtout, habilement, elle le prend à témoin sur le paradoxe de l’écriture qui fait que même en ayant choisi d’écrire sur le réel, sur soi, on est toujours dans la fiction puisqu’entre le réel et la fiction il y a l’écrivain et son interprétation.
Jamais le fil n’aura été aussi fin entre les deux, le titre le dit si justement : nous lisons une histoire écrite D’après une histoire vraie… Et jamais lecteur n’aura été aussi déboussolé car aucune réponse ne lui est donnée.
Au point que je me suis demandé si L. avait vraiment existé et n’était plutôt le double imaginé par l’auteure pour lui permettre d’exposer deux visions diamétralement opposées de l’inspiration littéraire. Et peut-être aussi de justifier son livre et de s’excuser s’il en était besoin du succès ­­–qu’elle n’a pas venu venir– de son dernier livre (son personnage reçoit des lettres anonymes l’accusant d’avoir «profité» du suicide de sa mère pour écrire un livre à succès).
Je me suis également demandé si le terme autobiographie devait rester employé comme nom ou s’il ne devait pas seulement être utilisé comme adjectif qualifiant le nom roman… Autrement, une autobiographie deviendrait un roman autobiographique.

 

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En deux mots
Thriller psychologique abouti, D’après une histoire vraie est aussi un livre sur l’emprise mentale, un questionnement sur la difficulté d’écrire alors même que l’on a connu un énorme succès et sur le choix de son sujet par l’écrivain. A moins que Delphine ne se soit jouée de nous… Une écriture belle et fluide et un succès garanti.

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De Mireille, sur D’après une histoire vraie, de Delphine de Vigan

Commentaire reçu par mail:
Bonjour les lectrices ,
Encouragée lors de la dernière réunion par vos commentaires sur ce roman qui m’ennuyait un peu, je l’ai terminé hier. Au final, même si je n’ai pas été enthousiasmée, j’y ai trouvé des choses intéressantes.
En effet, cette intrigante affaire à questionnement double : qui est L. ? Qui envoie les lettres anonymes ?
J’en arrive à la conclusion que ces deux énigmes ont une seule réponse D’après moi, L. n’est autre qu’un double imaginaire de la narratrice. J’y ai pensé dès le départ . mais je m’en suis convaincue lorsque L. raconte que dans sa jeunesse elle avait une amie imaginaire, une certaine Ziggy, qui l’accompagnait dans son quotidien fantasmé . Et j’ai été convaincue que c’était cela lorsque, à la fin, la narratrice explique que tout ce que L. a raconté avait sa source dans tous les romans lus.
Aucun doute, cette narratrice, Delphine est très, très perturbée psychiquement. Par son échec littéraire antérieur, par sa vie. Je sais que ce processus d’ami imaginaire présent dans la vie de quelqu’un est un phénomène connu, pas si rare que cela . Poussé à ce point, cela relève certainement de la psychose, et cela porte certainement un nom. Je ne sais si cela a à voir avec la schizophrénie . L., c’est donc “ elle”, Delphine . Une “ elle” à qui elle accorde une majuscule, peut-être parce que cette voix qui la guide et la manipule a plus de poids que celle qui est si fragilisée. Et cette majuscule est suivie d’un point, comme pour la stopper là, elle ne sortira pas du cadre qui lui est accordé, elle restera murée dans le mental de la narratrice, elle n’existe pas . L/elle est obsessionnelle, point final.
Et je pense que c’est Delphine elle-même qui, dans son délire, s’envoyait les lettres. De la dernière lettre, reçue quand elle commence à retrouver ses marques en ayant fait disparaitre L., elle dit qu’elle est signée . Mais sans préciser par qui . J’ai l’impression qu’elle ne le dit pas parce que cela ne nous intéresse pas : cela ne regarde qu’elle, elle est enfin capable de reconnaître la mystification, dont elle n’a plus besoin. Ces lettres, pour moi, c’était tout simplement de l’auto flagellation .
Ce qui me fait aussi pencher nettement vers cette forme d’aliénation, c’est un petit détail à la fin . Quand Delphine croit reconnaître un jeune homme qui aurait porté les bagages de L. quand elle s’est “installée” chez Delphine, elle lui précise son adresse : Rue de la Folie-Méricourt. J’ai vérifié, cette rue existe bien dans le 11ème arrondissement de Paris . Mais bon … La folie, mère y court ….. !!!!
Petit détail que j’ai bien aimé , qui apporte une note positive . Le mot FIN* suivi de l’astérisque. Dans un dialogue avec L., Delphine avait envisagé finir son roman comme cela ; la voix de L. lui disait que c’était nul, ringard, on n’écrit plus FIN. Eh bien si, elle en a fini avec sa dépression destructrice, et elle affirme ce qu’elle veut .
Bon, ceci étant dit, cette auteure qui écrit tout un roman pour nous expliquer qu’elle n’arrive plus à écrire, ça me laisse à moitié convaincue !!!
Mireille

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