Ils, elles observent le monde malade de ses habitants ; elles, ils racontent leur propre confinement et nous exhortent à continuer le nôtre, à le prendre au sérieux, nous donnant au passage des conseils de lecture. Ils, elles essaient de répondre à la question récurrente : « Comment en est-on arrivé là ? » et bon nombre d’entre eux ont la réponse. Cette réponse, ils, elles l’ont déjà écrite, l’écrivent encore, toujours. Mais on ne les lit pas et quand on les a lus bien souvent on referme le livre pour en chercher un autre peut-être plus « feel good » car les sujets qui fâchent, ça va un temps…
Ils et elles, ce sont les écrivain(e)s : romanciers de tous « genres », poètes, essayistes, dramaturges, philosophes, journalistes, novellistes, conteurs ou tout cela à la fois. Les chanteurs-rappeurs-slameurs aussi, véritables poètes souvent comme Narcisse, qui ouvre de bien belle manière cette rubrique. Leurs (propres) histoires individuelles, collectives, peuvent être les nôtres, quand elles ne l’ont pas déjà été ou ne le sont pas. Ce sont les témoins de « LA » vie, tous des libres-penseurs : d’abord observateurs curieux, perspicaces – de tous temps, de partout -, ils se font fins analystes, historiens, psychologues, sociologues, avant de devenir, enfin, metteurs en scène « sur pages ». Ce sont les médecins de l’âme.
En ces moments particulièrement difficiles, ce n’est pas le temps qui manque à beaucoup d’entre nous, alors mettons-le à profit ! LISONS ! Lisons ces auteurs qui depuis si longtemps tentent avec leurs récits de nous aiguiller vers d’autres pensées, d’autres modes de vie, d’autres convictions que les nôtres. L’esprit humain est malade, il tourne en rond, affaibli par sa suffisance, enfermé sur ses croyances. Le leur est plus ouvert, riche de leurs propres lectures, de leur expérience, personnelle ou lue et d’une faculté de compréhension, d’un sens de la déduction qui peut nous faire défaut. Ils, elles sont omniscient(e)s, ont pour eux la sagesse, du bon sens, de la perspicacité, l’esprit critique (non celui de la critique), le recul nécessaires… La culture à proprement parler qui, considérée pourtant comme « ce qui reste quand on a tout oublié », est à la portée de chacun d’entre nous ; cependant, elle ne permet pas, seule, de comprendre le monde : il faut de grandes facultés intellectuelles, un imaginaire débordant, une grande capacité de travail et une plume à tout le moins accorte pour accoucher d’une œuvre accomplie, s’avérer écrivaine, écrivain.
C’est pourquoi nous leurs lecteurs les croyons et les disons « utiles » ; bien plus encore qu’utiles : nécessaires. On a tout dit de la littérature et de ses auteurs, notamment qu’elle est « le champ de tous les possibles ». En réalité, la littérature générale est bien davantage qu’une source de connaissances, de détente, de distraction, ou même de culture. En sollicitant tous nos sens, en faisant se répondre les parfums, les couleurs et les sons (Correspondances, poème de Charles Baudelaire), elle est une ouverture béante sur la planète, le seul moyen de nous aider à la comprendre et surtout la respecter. En faisant mille recherches avant d’écrire une œuvre, en pétrissant leurs notes, leurs avoirs et leurs réflexions, en (re)croisant les dates, les lieux, les histoires, les faits divers réels, historiques, elles, ils avancent en interprétant pour nous les choses, en les explicitant ; ils, elles ouvrent en grand des portes et des fenêtres sur le monde et sur l’espèce humaine en d’autres temps, en d’autres lieux. Humbles cependant, ils, elles ne se targuent pas de tout savoir mais partagent tous leurs savoirs sans jamais nous donner de leçon ni nous faire la morale.